Tandis que les nuits et les jours glissent paisiblement sous le ciel immortel, le temps s’écoule dans l’éternité de l’existence. Et mon âme, depuis longtemps partagée en deux, erre dans le passé, à la recherche de son autre moitié. Quelque part, loin en kilomètres, mais si douloureusement proche du cœur.
Là-bas, où il ne reste que les fondations de la maison où je suis née, des moignons blessés dans les broussailles, qui ne piquent que mon cœur.
Là-bas… dans l’école de village où j’ai grandi, dont il ne reste, comme de mon âme, qu’une moitié. C’est là que se trouve mon Ithaque, celle où je ne cesse de revenir dans mes rêves. Et parfois, dans la réalité, quand la vie sur un autre continent me permet d’ouvrir mes ailes.
Là où le réel tend maintenant les bras, douloureusement, à la place de ma mère et de mon père qui m’accueillaient autrefois avec le sourire sur le seuil.
Dans la chambre où ma mère m’a mise au monde où résonnaient autrefois ses pleurs et ses joies, et où flottait la chaleur de l’amour mêlée à l’odeur du pain chaud, pousse aujourd’hui un jeune saule. Le souvenir de ma naissance est-il ancré dans ses racines ? Sait-il que je suis revenue, juste un instant, pour pleurer ? Est-ce pour cela qu’il se penche si tendrement, caressant mes joues de ses jeunes rameaux ? Ou bien la moitié de mon âme que je cherche s’est-elle nichée dans ses branches pour m’accueillir ? Pour me retenir de repartir en exil ?
Pour retrouver cette joie arrachée, dispersée dans la prairie de mon enfance comme un collier de perles dénoué. Cueillir quelques brins d’herbe pour souvenir. Effleurer les papillons de mon enfance. Embrasser les amis. Enlacer le noyer, courbé par l’âge et l’attente vaine des mains de mon père.
Jeter un dernier regard aux murs fissurés de l’ancienne école avant de retourner là où m’attendent ma nouvelle maison et l’autre moitié de mon âme.
Je descends dans la prairie d’où, autrefois, je regardais scintiller joyeusement les étoiles immortelles au-dessus du ciel natal. Et j’attends qu’une étoile tombe dans mon giron pour faire un vœu que seul le Créateur des cieux et de la terre peut exaucer.
